Chanteur public

Photo : François Legeait

Sortir en 2014 sur le label Hé Ouais Mec Productions.

Arrangé par Pierrick Hardy

Guitares : Pierrick Hardy
Viole de Gambe : Marie Suzanne de Loye
Percussions : Zé Luis Nascimento
Clarinette : Catherine Delaunay

Enregistré en Juin 2014 par François Casays au studio Accès Digital, Rouen.

 

Entre 2011 et 2014, j’ai pratiqué le métier de chanteur public.

J’étais alors mal à l’aise avec l’idée d’être voué, en tant que chanteur, au seul divertissement, au spectacle, mode d’expression que je ne sentais pas pleinement aligné avec la nécessité profonde qui me poussait à chanter, à écrire.

J’ai donc voulu voir comment ce métier de chanteur pouvait trouver un sens, une fonction, en dehors des circuits du divertissement. J’étais en cela guidé par l’exemple des chants traditionnels, presque toujours liés à une fonction, un rituel, un moment, à des aspects précis de la vie quotidienne. Il s’agissait donc pour le chanteur public de quitter son piédestal, la scène, pour mettre son savoir-faire au service de qui en ferait la demande : écrire des chansons sur mesure pour la vie des autres.

Si les premières demandes qui m’ont été faites étaient légères (une chanson-cv pour un ergonome en site internet, une autre pour favoriser la croissance des plants de cannabis femelle, l’hymne d’une équipe de football à Valanjou…) on m’a rapidement contacté pour des chansons à fort enjeu relationnel : une mère voulant s’adresser à sa fille quittant le foyer familial, un homme adressant son amour à une femme mariée, un fils réclamant des comptes à ses parents, un frère demandant pardon à son cadet etc.

Ces trois années ont été une vraie école d’écriture. J’avais devant moi un sujet éminemment complexe, un visage, une relation, un passé : il s’agissait de ne pas le trahir. Il s’agissait également de trouver la distance juste entre pudeur et impudeur, entre le passé et l’avenir, entre la blessure et sa guérison.

Parmi toutes ces chansons, deux conservent à mes yeux une place particulière : deux portraits, le premier d’un homme de 70, le second d’une femme de 27 ans, que la mort allait bientôt soustraire à nos yeux.

Ecrire le portrait d’une personne proche de sa fin, la tâche était vertigineuse : comment ne pas réduire une présence ? C’est, je crois, les moments où la nécessité de la poésie et de l’art dans nos vies m’est apparue avec le plus d’évidence. Au moment où le langage semble inapte à dire, la poésie, augmentée par la musique, concilie l’impossibilité d’exprimer et la nécessité de dire, d’essayer de dire, malgré tout.

J’ai donc chanté pour deux funérailles : la première fois, c’était dans un cimetière à flanc de colline, près de Rennes. La seconde dans une forêt en Normandie. Après la chanson, pas d’applaudissements, bien sûr, mais un silence chargé de la présence du défunt.

En tenant ma place d’artiste dans ce moment clé de l’existence, j’ai compris que la question que je me posais en démarrant cette expérience avait trouvé sa réponse.

Le disque Chanteur Public propose 10 chansons tirées de cette expérience. Il a été arrangé par Pierrick Hardy, qui a écouté mes histoires avec beaucoup de patience et de sensibilité afin de les développer en musique. Pour traduire ce que les mots ne disent pas, il a mêlé les timbres de la viole de gambe, de la clarinette, des percussions.

L’album peut-être écouté sur Deezer, Spotify, iTunes musique